Dernière lettre sans adresse, écrite le jour de sa mort et retrouvée sur lui.
Le 10 avril
1917
Cher ami,
En plein bled dans un trou recouvert
d'une tôle, sous le rideau d'acier des canonnades. Je vous écris
sur mes genoux. Il fait grand froid, pluie et neige et nous ne pouvons pas
faire de feu. C'est le pays de la misère et de la désolation
ici.
Aucun ravitaillement, à part le bout de boeuf et le quart de vin de
l'Intendance, qui nous arrivent à des heures impossibles, la nuit.
Pour la première fois depuis vingt-et-un mois que je suis à
la guerre, nous manquons de tabac. Je pense que la retraite de Russie était
quelque chose comme ceci.
Il faut qu'ils soient en fer nos hommes. Dix jours et dix nuits de cette vie-là,
sans aliments chauds, sans sommeil souvent. Ah ! il y a un bon Dieu pour les
soldats !
Nous devons attaquer sans délai. On ira puisqu'il le faut.
Et ceci est un adieu peut-être.